Symbolisme médiéval et JDR
4 septembre 2013 8 commentaires
Les symboles médiévaux…
Au moyen âge un fort accent est mis sur l’utilisation des symboles, aussi bien intellectuelle (ecclésiastique, noble) que populaire (contes, superstitions). Les églises en sont à la croisée, les différents registres s’y combinant, faits par les uns et lus par les autres. C’est le propos de ce livre, celui-ci et même celui-là qui tous se penchent sur différents symboles, que ce soient des animaux, des lieux voire des couleurs. Ils sont mêmes ce que l’on connait de mieux de la pensée médiévale, que ce soit à travers les sources érudites de l’époque qui glosent à loisir sur ce sujet, ou les reconstitutions basées sur les comportements souvent mieux décrits de la Renaissance et de l’Ancien Régime.
C’est à mon avis, à mon gout devrais-je dire, l’aspect le plus intéressant de l’époque hors son esthétique. Les chevaliers et les serfs, les diables et les anges, ce sont certes des repères charismatiques, mais l’omniprésence des symboles proche de la pensée magique est ce qui fait la différence du Moyen-Âge que j’aime imaginer.
C’est l’origine de toute la quincaillerie médiévale-fantastique, des épées enchantées (Excalibur en tête) aux formules magiques (boule de feu y compris). Le mage utilise des ingrédients, des mots et des gestes en phase avec son sort. Il sort de sa poche une poudre orange sur laquelle il souffle en grondant, se penchant en avant et tendant le cou pour faire jaillir le feu, comme le ferait naturellement un dragon. Le chevalier a son épée familiale, héritée de ses parents elle représente sa force et sa mission. Si elle est enflammée c’est parce que son cœur l’est aussi, de colère contre les méchants et ceux qui l’ont injustement traité. Si ce feu est chaud et couleur or c’est parce que ses intentions sont nobles. Tout y est cohérent, lié, un ensemble de symboles entremêlés.
…et le JDR
C’est hélas souvent mal géré dans les jeux. Donj propose des listes de courses d’objets magiques (sorts compris). Le degré ultime en est le sort « boule de feu dégâts 6d8 portée 50m » qu’on lance en fonction du nombre qu’il nous en reste sans plus se poser de question. Le symbole n’est même plus un motif esthétique, il est oublié sous l’utilitaire.
Ars Magica est plus complet et donc a des recettes de cuisine avec une liste d’ingrédients longue comme le bras :
- des arts magiques qui sont des symboles assez directs (avec perte des icônes d’arts en 5e édition)
- des connexions arcanes et sympathiques où la partie est liée au tout (le sang d’un homme), l’image à ce qu’elle représente (une figurine de cire), le macrocosme au microcosme (les thèmes astrologiques)
- bonus de matériau/forme pour les artefacts, une couronne donnant une facilité pour commander, une baguette pour déplacer, l’os pour la mort, le bois pour agir sur les arbres
Cependant, hormis suppléments volent bien au-dessus (Art & Academe en tête, Covenants pour les livres et les labos), ce sont des paquets de listes de modificateurs divers et variés. Le jeu se veut complexe, il est aussi tout bêtement compliqué et les joueurs si ils veulent profiter de cette richesse se doivent d’absorber des centaines de modificateurs arbitraires répartis sur différents livres. En matière de mise en situation c’est pas mal,
on se sent vraiment dans la peau de son mage, peut-être un peu trop même car à ce train faire un objet magique peut facilement prendre des heures. Je préfère utiliser ce temps pour jouer, la comptabilité n’est pas mon hobby préféré.
Y a-t-il vraiment une bonne solution ?
Dans Regnum Christi j’aimerais avoir quelque chose de plus intuitif. Les symboles doivent y être présents mais pas imposés, c’est à dire qu’il est plus important d’y avoir des symboles que d’y avoir des symboles spécifiquement médiévaux. Tout d’abord parce que des symboles médiévaux parleront peu aux joueurs, ne pourront pas les impliquer dans l’histoire autant qu’un spectre plus large et moderne. Mais aussi parce qu’imposer un contenu proprement médiéval, au-delà évidemment d’exemples bienvenus, c’est forcer les joueurs à devenir des érudits, non à en jouer. Si le jeu peut se nourrir des connaissances des joueurs, il ne doit pas les imposer plus loin qu’un cadre général.
Cela implique laisser peu à peu chaque joueur ajouter des symboles à ses outils, au fur et à mesure de leur émergence dans la partie. La liste doit être forcément limitée pour ne pas pouvoir tout faire, pour rester focalisé sur certains aspects, et différencier deux épées +2 de PJ différents. Le joueur pourrait payer 1pt d’ardeur ou d’expérience pour chaque nouveau symbole, ou autant que le nombre de symboles existants, ou autant que le bonus de l’outil. Ce serait évidemment surtout utile en campagne : en scénario one-shot une liste de symboles de base serait fournie pour chaque outil de chaque joueur. Cela n’empêche évidemment pas d’utiliser l’épée pour taper bêtement, comme n’importe quel coupe-païen digne de ce nom.
Le but ne serait pas tant de répliquer exactement les symboles médiévaux. Cela n’aurait pas de sens : ils dépendent de l’époque, de la région, du contexte, de l’auteur. Le but est bien de pousser les joueurs à utiliser les sens symboliques des accessoires de leurs personnages de manière plus fréquente, plus cohérente. On pourrait alors voir émerger ce qui dans de nombreux jeux est codé sous forme de règles, de listes bonus/malus définis circonstanciels. J’espère que cela pourrait naturellement rapprocher le jeu des contes et légendes médiévaux, tout en restant simple à aborder et pratiquer.