Symbolisme médiéval et JDR

scribe

Les symboles médiévaux

Au moyen âge un fort accent est mis sur l’utilisation des symboles, aussi bien intellectuelle (ecclésiastique, noble) que populaire (contes, superstitions). Les églises en sont à la croisée, les différents registres s’y combinant, faits par les uns et lus par les autres. C’est le propos de ce livre, celui-ci et même celui-là qui tous se penchent sur différents symboles, que ce soient des animaux, des lieux voire des couleurs. Ils sont mêmes ce que l’on connait de mieux de la pensée médiévale, que ce soit à travers les sources érudites de l’époque qui glosent à loisir sur ce sujet, ou les reconstitutions basées sur les comportements souvent mieux décrits de la Renaissance et de l’Ancien Régime.

C’est à mon avis, à mon gout devrais-je dire, l’aspect le plus intéressant de l’époque hors son esthétique. Les chevaliers et les serfs, les diables et les anges, ce sont certes des repères charismatiques, mais l’omniprésence des symboles proche de la pensée magique est ce qui fait la différence du Moyen-Âge que j’aime imaginer.

C’est l’origine de toute la quincaillerie médiévale-fantastique, des épées enchantées (Excalibur en tête) aux formules magiques (boule de feu y compris). Le mage utilise des ingrédients, des mots et des gestes en phase avec son sort. Il sort de sa poche une poudre orange sur laquelle il souffle en grondant, se penchant en avant et tendant le cou pour faire jaillir le feu, comme le ferait naturellement un dragon. Le chevalier a son épée familiale, héritée de ses parents elle représente sa forceChevalier et serviteur combattant un hybride zoomorphe et sa mission. Si elle est enflammée c’est parce que son cœur l’est aussi, de colère contre les méchants et ceux qui l’ont injustement traité. Si ce feu est chaud et couleur or c’est parce que ses intentions sont nobles. Tout y est cohérent, lié, un ensemble de symboles entremêlés.

…et le JDR

C’est hélas souvent mal géré dans les jeux. Donj propose des listes de courses d’objets magiques (sorts compris). Le degré ultime en est le sort « boule de feu dégâts 6d8 portée 50m » qu’on lance en fonction du nombre qu’il nous en reste sans plus se poser de question. Le symbole n’est même plus un motif esthétique, il est oublié sous l’utilitaire.

Ars Magica est plus complet et donc a des recettes de cuisine avec une liste d’ingrédients longue comme le bras :

  • des arts magiques qui sont des symboles assez directs (avec perte des icônes d’arts en 5e édition)
  • des connexions arcanes et sympathiques où la partie est liée au tout (le sang d’un homme), l’image à ce qu’elle représente (une figurine de cire), le macrocosme au microcosme (les thèmes astrologiques)
  • bonus de matériau/forme pour les artefacts, une couronne donnant une facilité pour commander, une baguette pour déplacer, l’os pour la mort, le bois pour agir sur les arbres

Cependant, hormis suppléments volent bien au-dessus (Art & Academe en tête, Covenants pour les livres et les labos), ce sont des paquets de listes de modificateurs divers et variés. Le jeu se veut complexe, il est aussi tout bêtement compliqué et les joueurs si ils veulent profiter de cette richesse se doivent d’absorber des centaines de modificateurs arbitraires répartis sur différents livres. En matière de mise en situation c’est pas mal,

on se sent vraiment dans la peau de son mage, peut-être un peu trop même car à ce train faire un objet magique peut facilement prendre des heures. Je préfère utiliser ce temps pour jouer, la comptabilité n’est pas mon hobby préféré.

epee

Y a-t-il vraiment une bonne solution ?

Dans Regnum Christi j’aimerais avoir quelque chose de plus intuitif. Les symboles doivent y être présents mais pas imposés, c’est à dire qu’il est plus important d’y avoir des symboles que d’y avoir des symboles spécifiquement médiévaux. Tout d’abord parce que des symboles médiévaux parleront peu aux joueurs, ne pourront pas les impliquer dans l’histoire autant qu’un spectre plus large et moderne. Mais aussi parce qu’imposer un contenu proprement médiéval, au-delà évidemment d’exemples bienvenus, c’est forcer les joueurs à devenir des érudits, non à en jouer. Si le jeu peut se nourrir des connaissances des joueurs, il ne doit pas les imposer plus loin qu’un cadre général.

Cela implique laisser peu à peu chaque joueur ajouter des symboles à ses outils, au fur et à mesure de leur émergence dans la partie. La liste doit être forcément limitée pour ne pas pouvoir tout faire, pour rester focalisé sur certains aspects, et différencier deux épées +2 de PJ différents. Le joueur pourrait payer 1pt d’ardeur ou d’expérience pour chaque nouveau symbole, ou autant que le nombre de symboles existants, ou autant que le bonus de l’outil. Ce serait évidemment surtout utile en campagne : en scénario one-shot une liste de symboles de base serait fournie pour chaque outil de chaque joueur. Cela n’empêche évidemment pas d’utiliser l’épée pour taper bêtement, comme n’importe quel coupe-païen digne de ce nom.

Le but ne serait pas tant de répliquer exactement les symboles médiévaux. Cela n’aurait pas de sens : ils dépendent de l’époque, de la région, du contexte, de l’auteur. Le but est bien de pousser les joueurs à utiliser les sens symboliques des accessoires de leurs personnages de manière plus fréquente, plus cohérente. On pourrait alors voir émerger ce qui dans de nombreux jeux est codé sous forme de règles, de listes bonus/malus définis circonstanciels. J’espère que cela pourrait naturellement rapprocher le jeu des contes et légendes médiévaux, tout en restant simple à aborder et pratiquer.

The Sundered Eagle (Ars Magica)

The Sundered EagleAprès The Lion and the Lily (chevalerie hermétique) et Guardians of the Forets (monstres dans la forêt), voici le troisième supplément centré sur un tribunal pour la 5e édition d’Ars Magica. Cette fois-ci il s’agit du Tribunal de Thèbes, centré sur la mer Égée et l’Empire d’Orient, aussi bien latin que grec.

On arrive encore après le méchoui !

Vu la date à laquelle le jeu est situé (1220), le livre se situe 16 années après l’évènement majeur de la région : la 4e Croisade et le sac de Constantinople. Il faut bien choisir une date, et la choisir après cette catastrophe permet d’éviter un départ trop rapide dans l’uchronie. Par ailleurs le paysage politique fragmenté qui en résulte est probablement plus intéressant à manipuler qu’un empire uni. On peu juste regretter qu’un setting plus impérial ne soit pas proposé.

Ceci dit ce n’est pas impossible, loin de là. Si cet évènement a bouleversé le tribunal, tant sur le plan hermétique (convents, traditions, ligues, etc.) que sur le plan vulgaire (royaumes, duchés et autres principautés), la description des derniers jours de l’Empire Byzantin et la relation de chaque personnage ou organisation à ce séisme politique permet avec un peu de travail de commencer une campagne dans un Empire Byzantin corrompu mais encore vivace pour quelques années.

L’intrication entre les différentes organisations hermétiques et vulgaires, toutes liées à la question byzantine est fort bien pensée. La possession de Constantinople est le nœud gordien de ce tribunal, auquel viennent se mêler les ficelles d’intrigues plus générales (états croisés en Palestine, domination des maisons hermétiques, dieux anciens contre christianisme) qui permettent de lier ce tribunal à ses voisins. C’est du bel ouvrage je dois dire.

Les 7 merveilles du monde

Le guide de voyage dans le tribunal, classique pour ce genre de supplément, propose tout le nécessaire pour explorer les curiosités locales. Bien sûr la ville de Constantinople y est abondamment décrite, ainsi que le Péloponnèse et la Grèce, ses collines et ses îles. On y trouve cependant des endroits moins attendus comme la côte turque (à l’époque grecque), la côte de la Mer Noire ou la Bulgarie. Cette variété à laquelle je ne m’attendais pas offre beaucoup de possibilités de sagas aux tonalités différentes.

D’autant plus que les auteurs se sont lâchés (ou est-ce ma méconnaissance relative de la région par rapport à la France ou l’Allemagne médiévales ?) côté fantasy avec moult cultes secrets, des villes sous-marines, des artefacts quasi steampunks, des sanctuaires divins à qui mieux-mieux, des nobles très au fait des traditions locales, divers cultes chrétiens antagonistes, etc. Il y a beaucoup de jouets tentants dans ce livre.

Une politique d’intrigues byzantines…

Les choses se compliquent avec le système politique. Côté vulgaire rien d’extraordinaire, les latins viennent d’importer le féodalisme occidental, les restes de l’Empire Byzantin sont des principautés despotiques et les colonies marchandes de Venise et Gênes obéissent à leur métropole. Cependant côté hermétique tout le système est fondé sur un jeu de faveurs et de votes, inspirés je crois des philosophes et de la politique de l’Athènes du Ve siècle avant JC.

C’est une bonne idée sur le principe. Le système de faveur échangeables est une façon élégante de gérer les services que les magi peuvent se rendre. Les différentes ligues permettent d’intégrer les PJ dans les intrigues politiques et magiques du Tribunal de Thèbes. Ceci dit le système de vote et de conseils hermétiques est assez confus et, pire encore la gestion de tout ces paramètres est laissée au MJ. Il n’y a pas de pistes de simplification ou d’explication sur comment gérer cette complexité autrement que par une base de donnée ou des feuilles excel référençant TOUS les magi du tribunal.

Alors que la plupart des sous-systèmes proposés dans la plupart des suppléments restent relativement simples dans leur domaine d’application limité, il est tout de même regrettable que celui-ci soit aussi complexe. Pourquoi ne pas avoir repris une idée similaire aux guildes de Guardians of the Forests qui permettrait de gérer les magi PNJ par grands groupes ? C’est d’autant plus dommage que bien exploitée cette constitution politique ouvre une voie royale aux intrigues fines des joueurs.

La critique de Jérôme Darmont.

La page officielle d’Atlas Games.

Et si les compétences étaient magiques ?

Apprenti sorcier de FantasiaJ’ai beaucoup cogité sur comment rendre le système de magie de Regnum Christi plus simple. Un point qui m’embête particulièrement est le manque d’intégration avec le système de compétence de base, leur choix par mentors interposés, etc.

La plupart des jeux de rôle ont un système dédié pour la magie

…distinct du système de compétences « réalistes ». Il peut être basé sur des mots clefs (Capharnaüm, Nephilim, Chroniques des Féals), sur de savants calculs de difficulté (Ars Magica, Nephilim), sur des combinaisons d’éléments basiques (Ars Magica, Ambre), sur une liste de sorts plus ou moins flexibles (D&D, L5A, pas ma façon préférée de faire), etc. Ces système sont même souvent plus intéressant à pratiquer que le système de base, stimulant davantage l’imagination, parfois moins mécaniques.

Cette distinction me semble être justifiée par plusieurs raisons

  • avoir une magie qui semble « magique » même aux joueurs
  • si le bon sens suffit le plus souvent à arbitrer la difficulté d’actions réalistes (escalader un mur, combattre un ennemi, pirater un ordinateur) il n’en va pas de même pour des compétences magique qui par définition sont hors de l’expérience quotidienne des joueurs.

A la réflexion le premier point amène une question : pourquoi les actions de base dans un univers magique ou exotique ne devraient-elles pas aussi avoir un peu de magie pour les joueurs ? Pourquoi le système de base ne permettrait-il pas autant de liberté ou de précision que le système de magie ? Pourquoi n’aurait-il pas autant d’intérêt ? Pourquoi ne serait-il pas aussi amusant ?

Le second point est potentiellement plus embêtant. Il l’est moins si on considère que le système n’a pas tant pour but de déterminer les conséquences réelles d’une action que son impact sur l’histoire qui est racontée autour de la table, la façon dont les PJ vont se sortir d’une difficulté. Dans ce cas importe surtout l’équilibre (ou pas, comme dans Ars Magica par exemple ou la magie est bien plus puissante que toute autre solution) entre sous-système réaliste et sous-système magique.

La plupart des jeux de rôle ont une liste de compétences

…ouverte ou fermée. Celle-ci mélange souvent de nombreuses notions bien différentes, par exemple des actions (attaquer, escalader, se cacher, chasser), des connaissances (de l’étiquette, des orcs, de l’outremonde, de la magie), des domaines d’application (informatique, latin, ésotérisme, philosophie). C’est actuellement le cas dans Regnum Christi.

Je pense qu’on peut séparer cela entre actions (ce qu’on veut faire) et cibles (sur quoi ou dans quel contexte on veut le faire). Escalader est une action, Arbres une cible. Le score du joueur pour une action (utilisé dans le cadre de Regnum Christi par exemple) est alors action + cible. L’un des deux peut être manquant. Par exemple un rôdeur typique aura pister 3, attaquer 2, forêt 4, ours 5. Pour pister un ours, son domaine d’excellence, il aura un score de 3+5=8. Pour attaquer quelqu’un dans une forêt il aura 2+4=5. Pour attaquer un garde en ville il sera moins à l’aise et n’aura que 2, mais garde quand même ses bases. Pour reconnaître l’espèce d’un ours il aura 5 (score implicite de 0 pour l’action connaître).

La notion de cible est souvent gérée de manière plus limitée, par des spécialités (chasse spé ours), des traits (way of the forest), etc. Je me propose là de l’utiliser dans Regnum Christi comme base du système, les scores de départ étant fournis par les mentors, y intégrant ensuite de manière simple et évidente des actions et objets magiques.

Intéressant si bien équilibré

Cela permet un système plus thématique (grâce aux listes d’actions/cibles adaptées à l’univers), laissant une grande marge à l’imagination des joueurs, simple et intuitif à comprendre.

Il redonne aussi tout leur intérêt aux connaissances des PJ, qui ont un impact direct sur ses capacités et ne sont pas juste des questions gratuites au MJ. Cela permet par exemple à un PJ ayant 5 en ours de dire « je sais que les ours ont un appétit vorace pour la rhubarbe, j’en cueille un peu que je répands sur le sol le vent, et grâce à cela les pousse à sortir de leur tanière ». Un personnage érudit devient aussi plus intéressant à joueur, ayant très peu d’actions et beaucoup de cibles.

Cependant l’ampleur des cible doit être gérée avec soin, tout comme le sont généralement les compétences. Par exemple une cible qui s’applique à quasiment toutes les actions des PJ n’a pas grand intérêt et ne fait que déséquilibrer le système. Il est donc tout indiqué d’avoir une liste aussi complète que possible de cibles, tout comme il y a une liste de compétences.

Dans le cas de Regnum Christi on aurait donc pour chaque PJ une sélection d’actions et de cibles génériques, des traits personnels et des outils personnels. Reste à voir comment éviter une inflation du nombre d’additions à faire par les joueurs (action cible + trait + outil, ça commence à faire beaucoup pour donner un coup d’épée).

PS : j’en ai profité pour mettre un peu à jour les règles de base et de magie pour Regnum Christi. Il va encore falloir que je réfléchisse au système pour y intégrer proprement les idées que je viens d’exposer.

Les histoires de Marco

Timothy Ferguson, un des contributeurs réguliers d’Ars Magica, a publié sur son blog une série de saynètes mettant en scène un certain Marco, grand-père à la retraite pratiquant la sieste avec assiduité, racontant à sa petite fille ses aventures de jeunesse. Ce sont de charmants petits contes pleins de fantaisie et d’humour, en anglais certes mais accessible même sans connaissance particulière d’Ars Magica (Redcap = message des mages, Tremere = famille de mage).

Regnum Christi, une tentative de jeu de rôle médiéval historique

Après plusieurs années à jouer à Ars Magica j’ai accumulé une certaine frustration. Le système n’est guère pratique et l’univers manque de cohérence. J’ai donc eu l’idée de faire mon propre jeu de rôle, aux règles plus simples et à l’univers moins fantaisiste.

Baptisé Regnum Christi (le Royaume du Christ en mauvais latin d’église), j’ai formalisé et mis par écrit mes idées. J’ai pu les tester à plusieurs reprises sur un scénario dont je livre ici les notes. Ces règles ne couvrent pour l’instant que les activités mondaines (guerre, intrigues, commerce, etc.) et non la magie. Je pense continuer dans cette direction et y ajouter une partie magique, avec différentes traditions et des instructions simples pour en créer de nouvelles.

Regnum Christi – Règles

Regnum Christi – Feuille de Personnage