Simplifications des règles pour Ars Magica

Mathematical treatise by Ibn al-HaytamAprès une longue campagne d’Ars Magica mon ressenti fut que l’univers est intéressant, mais les règles souvent trop présentes ou pas assez transparentes pour les joueurs. Le système d’Ars Magica est complexe c’est certain. Il gère de nombreux paramètres et alors que le jeu d’origine est plutôt narrativiste, il a au final une approche très simulationiste, un vrai condensé de nombres et de calculs. Dans l’optique de commencer cette année une nouvelle saga (dans le Tribunal du Rhin) je me suis penché sur ce problème et espère y avoir trouvé quelques solutions.

Je dois déjà réfléchir pendant la journée, si il faut le faire durant mes loisirs…

C’est vrai pour les activités vulgaires, où par exemple chaque jet implique d’ajouter au moins 3 nombre (caractéristique, compétence, dé) mais peut aussi compter l’encombrement, la spécialité, etc. Sans oublier une difficulté très variable, sans règle claire à ce sujet. On pourrait en rajouter sur les calculs pour les différents scores de combat mais à l’usage j’avoue que les avoir déjà calculés sur la feuille de personnage est plutôt pratique.

C’est encore plus vrai pour les magi. Je n’ai rien contre des calculs un peu complexes pour les activités de laboratoire. C’est typiquement le genre de chose que je fais en dehors des scénarios, là où les joueurs peuvent satisfaire leurs pulsions optimisatrices, comptant et recomptant leurs points. Mais c’est souvent problématique au cours d’une aventure. Ainsi le lancer d’un sort formulaïque peut apparaître simple mais implique de tenir compte d’une moultitude de boni divers et variés, entre l’aura, le familier, les différents défauts et qualités des personnages… C’est encore plus compliqué pour la magie spontanée quand il faut y faire entrer le calcul du niveau du sort et les statistiques du personnage.

Enfin il faut bien reconnaître que la progression des magi est trop rapide. Deux dizaines d’années après avoir intégré de plein droit l’Ordre d’Hermès ils peuvent déjà tout faire. On peut évidemment augmenter le niveau et le nombre des ennemis qu’ils ont à affronter mais ça n’en corrige pas l’autre conséquence dommageable : les personnages compagnons sont marginalisés, de plus en plus inutiles. Et je ne parle pas de l’irréalisme que cela induit quand on compare à la discrétion supposée de l’Ordre dans l’univers du jeu.

Ces problèmes sont encore accentués par les suppléments qui tous sans exception ajoutent des règles à celles de base. Gérer la production artistique des musiciens et poètes, l’ascension sociale des artisans, la connaissance de la forêt, etc. Chaque sujet a sa petite règle dédiée, souvent à part ou à la marge du système original et non pas juste une nouvelle compétence ou vertu qui s’intègrerait dedans.

La solution du BonOrbe céleste médiévale

Évidemment l’idéal serait de garder l’univers mais de changer franchement de système, d’en reprendre un qui existe et a déjà fait ses preuves ou d’en adapter un.

Par exemple Chronica Feudalis, est très simple avec trois dés à lancer et une réussite si un au moins est supérieur à la difficulté. Il propose de plus une création de personnage très intéressante, basée sur des mentors et non une laborieuse répartition de points.

Un jeu français qui n’est plus édité, Miles Christi, permet de jouer des templiers avec un système qui sent bon le moyen-âge, loin des compétences vulgaires assez génériques d’Ars Magica.

Le système ORE que j’utilise pour Mystères du Temps pourrait être un bon candidat, simple et efficace, il est facilement customisable, et souvent customisé.

Le problème de tout ces systèmes (et des FATE, FUDGE, Savage Worlds, etc.) est que si ils sont bien (voire très bien pour Chronica Feudalis) adaptés aux activités et à l’évolution des personnages vulgaires, ils ne couvrent pas la magie hermétique. Son charme est son apparence pseudo-scientifique et la prise en compte de nombreux modificateurs typiques (auras, familiers, formes et matériaux du talisman, etc.). Les activités de laboratoires sont encore plus éloignées de ces systèmes qui ne laissent guère de place à la progression numérique des personnages. Pour en utiliser un il aurait donc fallu que je refasse toutes les règles de magie. Dur travail… J’ai eu la flemme (mais je serais intéressé par toute tentative ?).

La solution de la Brute

Les magi sont trop puissants après quelques années ? Une échelle de valeurs pour les arts magiques et une pour les compétences perd trop les joueurs ?

Dans ce cas je mets tout sur la même échelle, les arts montent comme les compétences. Les magi seront ainsi moins puissants sur le long terme, et tous les bonus magiques (auras, familier, talisman, arcane connection) auront plus d’importance, ajoutant à mon avis à l’immersion. De plus les sorts spontanés sont réduits à la spécialité de chaque magus, ils doivent davantage préparer leurs sorties et compter sur la complémentarité avec leurs amici ou leurs gardes.

Mathématiquement cela a d’autres effets secondaires, positifs ou négatifs selon les goûts : les compétences (philosophie, théorie magique, artes liberales, etc.) deviennent aussi plus importantes pour les magi, car maintenant sur la même échelle et souvent plus polyvalentes que les arts. Les travaux en labos sont aussi plus intéressants, notamment les objets magiques, car il est plus facile d’y empiler des bonus variés. En eux-mêmes ces changements ne me choquent pas, je pense toutefois empêcher leurs débordements en forçant les PJ magi à avoir un focus (qui augmente l’intérêt de monter les arts) et à réduire la pénétration magique qu’on peut donner à un objet (techniquement parlant +1 par niveau au lieu de +2).

Classe médiévaleLa solution du Truand

Mais tout ceci ne résout pas une part de mon problème : les règles sont trop compliquées et les chiffres sur la feuille peu transparents. J’ai donc décidé au final de truander et d’appliquer une série de petites simplifications sur les règles de base, souvent aux marges.

J’ai trouvé de bonnes sources d’inspirations à ce sujet dans le forum officiel, où de nombreux groupes semblent avoir buté sur le mêmes problèmes (et où d’autres semblent se complaire dans les calculs différentiels…). Je conseille notamment ce sujet qui détaille le problème de la (sur)puissance des magi, celui-ci qui a une optique intéressante pour les labos bien que l’application en soit trop complexe à mon goût et le bien-nommé Simple Ars Magica qui tente (sans vraiment convaincre) de créer une variante plus simple du système. Enfin sur le site web de Jérôme Darmont il y a un PDF « Ars Magica Simplex » qui propose lui aussi quelques pistes, plutôt pour la 4e édition en ce qui concerne la partie sur le combat.

  • 9 est le niveau de réussite de base pour une action non magique sans conflit. Ce sont des jets que de toute manière je dois rarement faire lancer parce qu’il est rare qu’ils soient réellement intéressants pour le déroulement d’une scène. Et puis si un jet mériterait une difficulté plus faible ou plus importante, est-ce vraiment la peine de le faire ? Ne peut-on pas décider que c’est hors de capacités du personnage ou au contraire qu’il est sûr d’y arriver ? Cela doit permettre aux joueurs de mieux voir ce que leur perso peut faire, une référence claire.
  • Les sorts formulaïques réussissent automatiquement. Il faut payer un point de fatigue pour chaque tranche de 10 par laquelle le score de base du PJ (sans dé) est inférieur au niveau du sort. Sinon ils ne passent pas. Le MJ peut alors se contenter de donner un malus ou bonus d’aura brut qui est rapidement ajouté/retiré du score du personnage. Le dé ne sert plus que pour la pénétration et donc est ignoré dans 90% des cas : il suffit de vérifier le score de base du PJ pour ce sort noté à côté du sort sur la feuille. On peut toujours lancer le dé pour vérifier qu’il n’y a pas d’échec critique, ça va très vite car il suffit de regarder si c’est un 0.
  • Il n’y aura qu’une seule sorte de vis, en moins grande quantité, et non pas un par art qu’au final je convertissais à la volée. Pour qu’avoir un type de vis par art soit intéressant il faut être tatillon sur les conversions, forcer les joueurs à les prévoir, à trouver un redcap qui puisse faire la transaction. Je ne le fais jamais car cela demande trop de micromanagement des stocks, avoir du vis pour chaque art ne sert donc pas. Je garde donc juste le fait d’avoir du vis magique (le standard), féerique ou démoniaque avec effets secondaires (et divin ?).
  • Je vais faire choisir les spécialités des compétences non pas à la création mais quand le joueur veut en décider. Plus souvent il ne sera pas nécessaire de prendre en compte la compétence, ou alors le joueur l’aura choisi après un évènement marquant et s’en souviendra sans devoir vérifier sa feuille et demander si elle couvre bien le cas d’utilisation.
  • Les traits de caractère des joueurs seront des péchés capitaux et de vertus cardinales et théologales. Évidemment cela ajoute à peu de frais au côté médiéval du jeu. D’autres part cela donne (avec des scores positifs et négatifs) un éventail de traits important, normalement suffisant. Mais surtout ce sont ceux-ci qui sont généralement les plus intéressants. Quand on veut savoir si un personnage est vertueux ou pas il suffit alors de regarder ses traits, plus d’ambiguïté possible.

Et pour quelques pions de vis de plus…

Enfin il y a un aspect annexe du système de jeu, fournit dans un supplément (Covenant, un des meilleurs, presque essentiel malgré quelques règles dispensables) qui me semble intéressant mais pénible à gérer dans le jeu originel : la personnalisation du labo. J’ai remarqué qu’en pratique c’était peu utilisé, et assez mécanique, avec notamment une longue liste de features à y ajouter. Ce genre de liste est bien pour donner des idées, mais pénible à passer en revue, surtout si on veut peser le pour et le contre de tous les boni proposés. En plus il suffit qu’un des objets ait un bonus peut intéressant pour qu’il ne soit pas choisi, même si esthétiquement il aurait été parfaitement à sa place.

Un laboratoire aura donc des caractéristiques (sécurité, sorts, arefact, vis,  richesse) et des compétences (les 15 arts magiques). Un joueur pourra passer une saison à améliorer un laboratoire, rajoutant alors un détail à sa description (ambiance, objet intéressant, etc.) et pouvant ajouter sa théorie magique à ses statistiques, les faisant monter comme des compétences. J’espère bien que cela favorisera l’utilisation du mécanisme et donnera des laboratoires hauts en couleur ! D’un point de vue strictement pratique c’est aussi un moyen d’avoir à tout moment une description du laboratoire de chaque magus, au cas où un personnage s’y aventurerait inconsciemment…

10 Responses to Simplifications des règles pour Ars Magica

  1. Asmodeus says:

    Bonjour,

    Je viens de commencer un saga d’Ars Magica sur Nantes.

    Je te rejoins sur le point de la difficulté et du fouillis des règles. Il y’en a partout des règles, chaque supplément amenant sa petite exception, sa petite nouveauté. Impossible d’avoir tout en tête et de tout prendre en compte. Et c’est encore plus démesuré avec les joueurs novices.
    De même, après quelques parties, je sollicite de moins en moins de jet de dés. Comme j’ai mis l’accent sur le RolePlay, si ce que fais le joueur est bien les 3/4 du temps je ne fais lancer le dé : réussite auto.

    Par contre, je ne te suis pas du tout sur la surpuissance des mages. Ce sont des personnages hors-normes donc puissant. Et encore, leur puissance est toute relative, par exemple en ville ou avec une aura divine de 3 et le besoin d’être « subtil » donne des malus impressionnant (de -19 à -24). Il leur faut vraiment pas mal de temps pour devenir « puissant » et pour qu’un mage devienne sur-puissant par rapport au compagnon, il faut bien 5-10 ans en temps de chronique ce qui fait bien 2-3 ans de temps de jeu avec une partie tout les 15 jours. Je verrais quand on sera là. Franchement toute les sagas n’en arrive pas là.
    Il faut aussi dire que l’un des jeux auquel, j’ai le plus joué c’est vampire. Là aussi on a des personnage surpuissant par rapport au commun des mortels mais c’est un peu « l’essence » de ce genre de jeu.
    En tout cas pour l’instant, les mages joués par mes joueurs sont bien moins puissant que les compagnons et ont du mal à « résoudre » les scénarios (le premier scénario a été résolu par les compagnons).
    Et, plus les mages vont progresser, plus ils vont avoir d’ennemi potentiel dangereux et puissant. C’est vrai qu’à partir d’un certain moment, les compagnons vont peut-être faire pale figure mais on a toujours besoin de plus petit que soi et les compagnons sont là pour un supplément d’interaction. Je pense que le jeu a été conçu comme cela. Des mages surpuissant et encore cela va diminuendo entre la 3ième, la 4ième et la cinquième, et des compagnons plus faibles mais amenant un surcroit d’interaction, très interessant.

    • Imrryran says:

      Je crois que ça dépend pas mal de la façon dont on gère une saga. J’essaie d’avancer d’un ou deux ans entre des aventures d’une soirée, avec éventuellement des scénarios plus longs (en nombre de soirées) pour certaines périodes importantes, donc on arrive vite à 10-15 ans post-gauntlet. 😉

      Si en plus les joueurs optimisent un peu leurs personnages ou leur montée en puissance ça va très vite.

  2. djinfizz says:

    ça dépend aussi de comment, en début de saga, tu considères le monde vulgaire…Personellement dans mes sagas, le vulgaire du XIIeme siècle, c’est du pécore bouseux sans interet, qui met juste du baton dans les roues et qui torchonne dans les alliances; par contre l’essence de la recherche de tout mage, sa quête identitaire est à rechercher dans les mystères de ce jeu, à savoir dans un premier temps les quatres royaumes de pouvoir, et leur interrelation, et non dans le monde vulgaire

    • Imrryran says:

      Oui, pour moi les vulgaires et leurs intrigues ont une importance quasiment aussi grande que les magi dans la création des histoires du convent.

      • Asmodeus says:

        Dans ma saga, les interactions avec le monde vulgaires ont énormément d’importance. C’est qui fait tout le charme des JdR Ars Magica ou Vampire, tu es différent mais tu dois te coltiner avec des gens « normaux » et tu dois faire attention à ce que tout le monde ne découvre pas ta différence.
        Après quand les mages commencent à devenir puissant (et quand les joueurs comprennent mieux le système de magie) j’introduis des problématiques sur l’essence de la magie et la politique de l’ordre d’Hermès.

      • djinfizz says:

        comme quoi il y a plein de façons de jouer à ars magica. au milieu des vulgaires, comment gère tu alors les spécialistes mentem qui font de la manipulation de zone? (aura d’autorité légitime est une version gentille de cette manipulation)
        Contre des vulgaires sans défense il est très facile d’inventer des sorts de zone qui font s’entretuer tout ce qui ne résiste pas autour de toi, et faire « oublier » la scène à tous les autres… La régulation de ce genre de situations ne peut être qu’interne à l’ordre d’Hermès et se situe au niveau du Code.

      • Imrryran says:

        Mine de rien les vulgaires ne sont pas forcément démunis :
        – quaesitores qui vont enquêter sur un évènement étrange
        – multiples reliques qui donnent une protection aux effets magiques
        – auras en villes
        – gentillesse du MJ auquel le jeu laisse mine de rien énormément (trop parfois) de latitude dans l’estimation des effets et des difficultés

        Ceci dit cela rejoint ce que je disais plus haut : pour moi les magi sont trop puissants trop rapidement, ce qui nuit à la suspension d’incrédulité.

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