Zombies, de Bret Easton Ellis
18 juillet 2011 Un commentaire
J’ai eu ce livre grâce à une offre promotionnelle de 10/18 durant le festival Étonnants Voyageurs. J’avais déjà lu un roman de Bret Easton Elli, Moins que zéro, ça ne m’avait pas vraiment convaincu. C’était certainement trash, réaliste dans son genre particulier et peut-être même assez révélateur d’une certain classe sociale, mais pas si intéressant qu’on a pu le dire à droite à gauche.
Des vies vides et sans but
C’est ce qui frappe au premier abord. L’auteur n’en fait pas des tonnes, se pose en observateur discret de scène de la vie courante d’une jeunesse californienne désœuvrée. Tous les personnages ou presque tournent en rond, répètent pages après pages les mêmes schémas sans sens. Hypocrites, ils évitent inconsciemment tout véritable contact humain. Un peu riches ou entretenus, ils font à leur guise sans remarquer ceux qui triment autour d’eux.
C’est il est vrai assez désespérant comme vision du monde, d’un monde en tout cas, fait de fêtes, de beuveries, de dépressions, d’histoires de cul et de drogue. Cette décadence ensoleillée n’est pas été sans me rappeler celle de Rome, alanguie au bord du Tibre comme Los Angeles l’est sur la côte Pacifique. Elle apparaît d’autant plus dangereuse que ceux qui la quittent ne font que la dupliquer en un autre endroit (Hawaï, la côte est des USA) et que ceux qui arrivent à Los Angeles n’ont rien de plus pressé que de s’y joindre, ne voyant pas qu’il s’agit d’un miroir aux alouettes.
Laisser souffrir ses personnages, les laisser chercher une solution
Le style est très brutal. Pas sec car il se compose de phrases mine de rien assez longues, mais où aucun mot n’est de trop. Mais il n’épargne jamais les protagonistes des nouvelles toujours bien malmenés. Si Ellis ne se pose pas en juge, plus en observateur, il fait tout de même œuvre de moraliste, montrant la torture quotidienne d’une vie atone.Avec une certaine économie de moyen il parvient à lever entre ses pages un brouillard glauque, une ambiance sombre malgré la lumière évoquée en permanence. Recourant au leitmotiv il croque chacun des personnages assez rapidement, les situant dans leurs névroses qu’il déroule ensuite devant le lecteur, les laissant chercher les yeux bandés pourquoi ils ne sont pas heureux malgré l’argent et le soleil qui les entourent.
Là où Moins que zéro tourne au final presque autant en rond que ses personnages, le format de la nouvelle est très adapté. On s’inquiète au début du recueil, les différents personnages (ayant souvent les mêmes noms d’une nouvelle à l’autre), se ressemblent beaucoup. C’est à tel point qu’on croirait presque, malgré quelques détails, suivre la même histoire de différents points de vues. Mais peu à peu la perspective s’élargit. Des personnages extérieurs font leur apparition, de véritables adultes (i.e. avec maison, boulot et famille, pas de vieux ados) passent au premier plan, d’autres couches sociales sont montrées, des personnages extérieurs portent un regard sur cette Californie pourrie jusqu’à la moelle.
Pour une fois un recueil qui n’est pas qu’une suite d’histoires
Si les personnages changent d’une histoire à l’autre, les thèmes et les situations restent proches, des leitmotivs se retrouvent dans les styles et les décors de plusieurs nouvelles. Et même sur la fin une dose de fantastique, innocent et malgré tout réaliste, s’immisce entre les rayons du soleil éblouissant, faisant passer le lecteur dans le symbolisme. Hommage ou empreint au réalisme magique sud-américain ? En tout cas c’est fort bien-venu, annoncé depuis plusieurs nouvelles, permettant de pousser plus loin qu’ailleurs la critique de cette société défraîchie sans pour autant sombrer dans le gore injustifié.
Évidemment il faut supporter la description amère d’un monde peu ragoûtant, décadent, ruiné moralement, provocateur, dépressif (mais pas forcément déprimant), pour tout dire très sombre. Pas d’un beau noir non, mais du gris sombre et morne du béton de parking qui a trop vu, trop souffert et s’il ne fissure pas encore est bien loin des images des promoteurs. Ce n’est pas gai et c’est fait exprès, voulu pour choquer. Si on peut passer cela on peut alors goûter tout le sel de cette écriture acide et féroce, précise et rapide.