True Grit

True GritJe n’ai jusqu’à présent jamais été déçu par les frères Coen. Leur mélange de sérieux et d’humour léger m’a toujours déridé, que ce soit dans une histoire d’espionnage ou d’enlèvement. Grand amateur de westerns par ailleurs (Deadwood anyone?) je tenais particulièrement à le voir.

L’introduction surprend, en voix off, narration claire d’un fait divers au fin fond de l’Arkansas, sa sobriété contraste vivement avec les scènes suivantes. Mais elle prépare le terrain, met dans l’ambiance. C’est un récit par un témoin, et c’est un univers violent où la sauvagerie et la bêtise des hommes n’ont rien à envier à celles des bêtes.

C’est un récit mis en scène, un récit de western tardif pour être plus précis, qui n’hésite pas à passer par les clichés du genre. Le croque-mort, le train à vapeur, les villes en bois, la loi approximative, le whisky, les indiens, les bandits, les colts et carabines de toutes sortes, tout y est, rien ne manque à l’appel. Mais chaque élément est détourné, moqué, joué, par le scénario, les dialogues ou la mise en scène. Tel personnage inquiétant filmé avec un angle laissant toute la place à son ridicule pour s’épanouir, tel dialogue entre gros durs qui tombe dans le pathétique, les réalisateurs savent y faire dans le second degré ou le détail qui tue. Et avec ce ridicule alternent des scènes mettant sous l’œil de la caméra les prouesses, athlétiques ou courageuses, des protagonistes. Faibles et moqués mais aussi admirés pour leur verve et leur allant qui les fait continuer même quand les obstacles s’accumulent.

C’est aussi un univers violent. Réaliste peut-être ? C’est en tout cas l’impression que cela donne, même si le scénario par moment n’est ouvertement pas si crédible que le sont les décors, les parlers ou les images. Par contre le sang l’est, en abondance. Ces cowboys sont des brutes, l’assument, en sont fiers, et les frères Coen savent le montrer, arrêtant parfois la caméra un peu trop tard, ce qu’il faut pour être confronté à la dure réalité des territoires sans loi à la frontière des nations indiennes et des terres pacifiées, parsemées d’arbres, de crotales, de bandits, de mines abandonnées et de petites cabanes au fond des bois.

Au final on se croirait dans un livre, une histoire de western faite de rires, de larmes et de fureurs. On rêve on rit on soupire de soulagement et on est bien content d’y être allé. J’ai cru entendre que le film avait bien marché aux oscars, il en mérite bien un.

Black Swan

Black SwanLe nouveau film de Darren Aronofsky étant à l’affiche, je devais aller le voir. Sans aucun doute il s’agit bien du réalisateur de Pi et Requiem for a Dream. Les personnages sont aussi fous, leur autodestruction aussi patente.

Mais maintenant il a des moyens, et il s’en sert. Déjà dans les effets spéciaux, présents mais très légers dans tout le film. Ici un grain de pellicule qui se transforme en peau d’oiseau, là des plumes qui apparaissent. il n’y a que le strict nécessaire, d’un réalisme parfait, qui manifeste à l’image les fêlures des personnages, par une multitude de détails, dont le plus marquant est l’ombre des ailes du cygne noir.

Une bande son excellente ensuite, très bien interprétée, pleine de variations autour du Lac des cygnes de Tchaïkovski, qui se fait oublier pour mieux souligner les émotions en jeu dans chaque scène, maintenir un suspens ou porter les pensées des personnages.

Enfin deux très bons acteurs… Vincent Cassel est bon, jouant tour à tour le dur, le beau gosse et le Pygmalion.

Mais Natalie Portman est au-delà de ça. Elle incarne véritablement le personnage, ne le joue pas. On ne pense pas une seconde à la reine Amidala, seulement à la pauvre Nina, victime du scénario s’enfonçant à chaque scène un peu plus, que l’on voudrait sauver. Je ne sais pas si c’est toujours elle qui danse. Il y a probablement une doublure, mais le passage entre les deux est insensible. Par ces gestes et ces mouvements elle incarne Nina, qui tente malgré tout d’incarner ces cygnes blancs et noirs qui la font rêver.

Le film est triste, sombre, cruel, avec des éclaircies de lumière, on en sort lessivé, comme de Requiem…, mais on en sort aussi heureux. Aronofsky a appris, son registre s’est élargi, et le pathos est bien moins présent dans ce drame, bien plus humain et moins mécanique. Une réussite magnifique en somme, qui mérite bien tous les éloges qu’on peut entendre ici et là, qui va bien au-delà d’une histoire de danseuse de ballet, qui fouille dans l’âme du spectateur.